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 Vingt ans après sa mort, Primo Lévi m’a parlé dans un rêve.

Chercher sa tête

 

Il m’a dit : « l’important pour un homme c’est de chercher sa tête »

C’était la nuit dernière, dans un tout petit restaurant comme on en trouve en Italie ou au Portugal.
L’entrée est un rectangle éblouissant découpé dans la pénombre. Nous mangeons tranquillement autour d’une table en formica, au frais. Primo Lévi et sa femme jouent aux cartes à la table voisine.

Après, nous sommes à la même table et la discussion s’anime. C’est là que Primo Lévi me dit, en comprimant ses poings contre sa poitrine, que l’important pour un homme, c’est de chercher sa tête. Je trouve ça bizarre qu’il parle de la tête en désignant son coeur mais le sens de la phrase ne me pose pas de problème. Je m’imagine au milieu d’une foule cherchant la tête qui m’appartient. Je lui réponds que l’important c’est que la foule soit bienveillante. Il en convient.

Après, je suis sur le trottoir avec Line, nous allons vers la voiture. Je m’exclame : « mais c’est à lui que je devais demander pour la nouvelle ! ». Je retourne au restaurant qui a maintenant une porte d’entrée capitonnée, des tentures écarlates sur les murs et une lumière tamisée au dessus des tables basses en acajou. Mon père attend debout à l’intérieur avec ma fille. On m’indique le chemin pour aller au domicile de Primo Lévi et j’y vais en voiture.

Après, je suis devant l’appartement de Primo lévi. L’appartement est au deuxième étage. Il n’y a pas d’ascenseur. Le palier donne sur une cour intérieure et il y a plein de plantes vertes. Une femme me fait comprendre que la clé est sous le paillasson et que je peux entrer. Je préfère attendre que Primo Lévi et sa femme arrivent.

Après, je suis dans une pièce minuscule. Un édredon, fleurs bleues sur fond blanc, recouvre le lit qui sert de banquette. J’explique à Primo Lévi que je cherche la nouvelle où il décrit le brevet d’invention d’une puce électronique qui permet de manipuler la perception que l’on a de la vitesse d’écoulement du temps. Il voit immédiatement de quoi je parle et sort de sa bibliothèque un livre très fin dont la couverture est un tissu beige. Il me dit quelque chose sur l’édition. Plusieurs pages du livre sont des photographies de paysage champêtres. Je n’ai pas noté le titre de la nouvelle

Après, c’est tout.



Je suis un collectionneur de signes, mais pas de n’importe quels signes. Seulement de ces petits évènements qui arrivent à l’improviste et à point nommé, à la fois inattendus et bienvenus. Il est important de signaler qu’un bon signe doit toujours être accompagné. Il est précédé ou suivi mais toujours accompagné par un voire plusieurs signes ce qui est nettement mieux car alors ils forment ensemble un bouquet de signes et c’est ce bouquet, offert par la journée, reniflé, contemplé, recomposé plusieurs fois, qui donne tous les sens des signes. Un signe solitaire est un mauvais signe ; mais il suffit quelquefois d’être patient.

Hier, 11 avril 2007, je suis allé rendre une visite aux blogbos et j’ai beaucoup apprécié ce billet. Il m’a fait penser à cette nouvelle de Primo Lévi que j’avais lue dans un magazine Air France entre Marseille et Casa. En cherchant sans succès la référence, j’ai appris que le suicide de Primo Lévi datait du 11 avril 1987, il y a vingt ans jour pour jour.

Primo Levi, suicide, vingt ans...

Pause...

Un Bouquet était en voie de formation qu’il fallait bichonner. J’ai cherché encore et dans la soirée j’ai ressorti de la bibliothèque « Le système périodique » et « Lilith », j'ai laissé "Si c'est un homme". Je me suis rappelé que je le lisais "Lilith" il y a 17 ans pendant que Line accouchait et que mon beau frère le lisait aussi quelques mois plus tard pendant que ma sœur accouchait.
Ce matin, en m’appliquant à conserver le souvenir de ce rêve, (pendant que je cherchais ma tête ?) je me disais qu’il me faisait du bien. Bien plus qu'un autre rêve qui me restait en mémoire, celui avec des cigognes éventrées sur des arbres morts.

Quand j’ai un beau bouquet comme ça, si je cherche profond dans ma tête, il est bien possible que je trouve camouflé quelque part le sentiment qui me fait tellement aimer les signes. Un sentiment flou, pas aussi précis que le plaisir que j’ai à exploiter ces petits événements auxquels je ne prête que le sens et l’importance que ma fantaisie veut bien leur donner, rien de magique ni de surnaturel, plutôt une façon de ne pas balayer négligemment ce que d’autres appellent les hasards et les coïncidences, sans que j'en fasse pour autant des manifestations de la providence. Ce serait un sentiment discret, timide, pas vraiment ridicule mais presque comique, un reste d’enfance : une envie de dire merci comme après avoir reçu un cadeau. Mais je ne sais pas à qui.

Edit du 15 avril 2007: la nouvelle s'appelle "Echec au temps", publiée dans "Le fabricant de miroirs"

Commentaires

Les signes, ces hasards merveilleux et parfois inspirants, nous montrent peut-être à quel point nous sommes liés, bien plus étroitement que ce qu'on l'imagine entre morts et vivants, entre vivants et vivants, entre songe et réalité, entre nous et la nature, entre le passé et le présent...

Des voisins de palier à qui on ne parle pas et que l'on retrouve dans un café à l'autre bout du monde,
Des chiffres qui valsent et qui semblent déployer un roman, 
Un lézard qui vous regarde et que vous regardez longtemps,
Un rêve prémonitoire,
Des roses fraîches qui vous tombent dessus, jetée rageusement d'un étage et quelques minutes plus tard, un pigeon qui lance son guano en roucoulant,
un homme qui rêve d'un écrivain à la date anniversaire de sa mort....


Parfois les signes ne forment pas de bouquet, ils gardent leur mystère, absurdes, ils sont un dialogue interrompu....Peut-être y-en a t-il qui se répètent et qu'on a pas encore vu...Ils nous font signe

 

 

Re: marina qui signe

Je suis là à attendre un signe, ou deux. Puis je fais avec la réalité comme je fais avec un rève: je m'amuse sérieusement à donner du sens.
J'ai bien vu que Marina est un anagramme d'Armani, que ton commentaire a été posté à 21H36, que 2136 est la racine cubique de ma date de naissance dans le calendrier universel mais aussi le double de 1068 qui est le début du règne de Chen-Tsong; et que donc on peut prévoir que la France aura un nouveau chef avec un nouveau parfum en 2+3=5 (mai) 6+1=7 (2007).
Mais est-ce que les signes sont là à nous attendre? ça, vraiment, j'aimerais bien le savoir.

 

 

Et l'important pour une femme c'est de savoir où son homme l'a mise. :)

Mais je crois beaucoup a tout ça, aussi. Sauf que chez moi, c'est bien plus basique. 

 

 

Re:

tu dis souvent à ton moitié: "où m'as tu mise?"?

 

 

un compagnon de route

Comment se fait-il que pour tant d'entre nous, cet auteur au style et au ton si modeste se soit imposé non pas tellement comme un témoin (et pourtant!) mais plutôt comme un compagnon de route?


Ce genre de compagnon qui fait que, même absent,
tu sais qu'il est déjà venu là où tu ouvres les yeux

 

 

Re: un compagnon de route

Serait-ce parce qu'il nous ouvre les yeux d'où il est revenu? sur cet endroit là et à partir de cet endroit là.

 

 

 Je suis arrivé à Turin le 19 octobre 1945, après trente-cinq jours de voyage: la maison était toujours debout, toute ma famille, vivante, personne ne m'attendait. J'étais enflé, barbu, mes vêtements déchirés, et j'eus du mal à me faire reconnaître. Je retrouvais la vitalité de mes amis, la chaleur d'un repas assuré, la solidité du travail quotidien, la joie libératrice de raconter. Je retrouvais un lit large et propre, que le soir, avec un instant de terreur, j'ai senti céder mollement sous mon poids. Mais j'ai mis des mois à perdre l'habitude de marcher le regard au sol comme pour chercher quelque chose à manger ou à vite empocher pour l'échanger contre du pain, et j'ai toujours la visite, à des intervalles plus ou moins rapprochés, d'un rêve qui m'épouvante.



C'est un rêve à l'intérieur d'un autre rêve, et si ses détails varient, son fond est toujours le même. Je suis à table avec ma famille, ou au travail avec des amis, ou dans une campagne verte ; dans un climat paisible et détendu, apparemment dépourvu de tension et peine ; et pourtant, j'éprouve une angoisse ténue et profonde, la sensation, précise d'une menace qui pèse sur moi. De fait, au fur et à mesure que se déroule le rêve, peu à peu ou brutalement, et à chaque fois d'une façon différente, tout s'écroule, tout se défait autour de moi, décor et gens, et mon angoisse se fait plus intense et plus précise. Puis c'est le chaos ; je suis au centre d'un néant grisâtre et trouble, et soudain je sais ce que tout cela signifie, et je sais aussi que je l'ai toujours su: je suis à nouveau dans le Camp et rien n'était vrai que le Camp. Le reste, la famille, la nature en fleur, le foyer, n'était qu'une brève vacance, une illusion des sens, un rêve. Le rêve intérieur, le rêve de paix, est fini, et dans le rêve extérieur, qui me poursuit et me glace, j'entends résonner une voix que je connais bien.
Elle ne prononce qu'un mot, un seul, sans rien d'autoritaire, un mot bref et bas ; l'ordre qui
accompagnait l'aube à Auschwitz, un mot étranger, attendu et redouté: debout, "Wstawac".

PRIMO LEVI

 

 

Re:

 

 

 

Re:

Merci Marina
Il y a une telle circularité dans ce texte! Il m'est difficile d'en sortir tant chaque lecture est différente de la précédente.

 

 

Re:

Elle est vraiment bien cette Marina, non?

 

 

 

Re:

?!

 

 

Re:

;-)              clien d'oeil
:->             sarcastique
>:->          satanique
:-/              Heu....
:-p             je tire la langue
(:)              je suis un robot pro
@:-)          et je porte un turban
8-)             et des lunettes de soleil
:-()            et du rouge à lèvres
:-7             et je fume le cigare


 

 

Re:

C'était juste pour dire que j'étais vraiment admiratif de cette capacité, de cette aisance à proposer comme ça un texte si complémentaire, une réponse si ajustée. Comme si c'était là , à sommeiller dans ta tête juste en cas, et si tu l'as cherché exprès, c'est encore plus méritoire.
Savoir écrire comme tu le fais, avec des mots justes, beaux, si pleins de sens et de douceur, et retourner du Primo Lévi à notre donydami en miroir de ses rêves, oui je réitère, elle est vraiment bien cette Marina...
... et en plus elle fume le cigare !

 

 

 

Re:

J'arrive par hasard et je vois ta réponse Walkman, l'art de la conversation est un jeu de plaisir et  ce texte  de PL, je l'ai trouvé par hasard, en tournant les pages et hop, il m'a sauté aux yeux et c'est pour ça qu'il est là. Rien de plus, ça veut dire qu'on peut continuer à converser et se dire des choses qui portent l'écho là où on irait pas tout seul. C'est bien.

 

 

Re:

Non.
Il a raison walkman. Elle est vraiment bien cette marina.

 

 

Re:

Ah mais si!
Il a raison walkman. Elle est vraiment bien cette Marina. D'ailleurs je lui avais fait, fut un temps, une proposition de co-blogage.
Un mot, un mail, un signe d'elle et je recommence.

 

 

Re:

On commence par une proposition de coblogage, puis c'est du covoiturage, de la colocation et ça finit en copulagepinage.
Un mot, un mail, un signe d'elle et tu recommences.

 

 

Re:

commérage!

 

 

Re:

C'est vrai Donydami, je m'en souviens, et ce serait avec plaisir, un honneur même carrément, mais....bon faut trouver des trucs à dire et puis là je m'en vais un peu sous la lune....J'oublie pas en tout cas. Arrivederco à vous trois tiens !

 

 

Re:

ok Marina. bon voyage sous la lune.