Tout le monde connaît la panoplie du MTR: le bonnet de marin sur la tonsure drue, courte et grise, la veste jusqu'à mi cuisse avec au moins quatre poches latérales, le pull à col V flottant sur la chemise prisunic, le tee shirt en coton dont le col rond est visible sous la chemise prisunic, le pantalon fatigué qui tire bouchonne sur des chaussures de ville encore plus fatiguées.
Et surtout, mais c'est moins connu, le caleçon long sous le pantalon, indispensable.
Les plus fins observateurs s'accordent pour dire que seul le MTR peut porter cet accoutrement sans perdre une once de dignité.
Après une vie partagée entre le labeur et la solitude, le MTR continu de loger au foyer sonacotra pour toucher une retraite qu'il envoie à sa femme et ses enfants restés au pays. Il me tend sa carte de séjour quand je lui demande son adresse et il me dit tu (en fait il me dit ti) assez souvent pour que je finisse par faire pareil en raison d'un mimétisme spontané qui me conduis facilement à prendre l'accent et les tics de langage de mes interlocuteurs. Mais j'entends toujours dans mon tutoiement, une touche de familiarité et une trace de condescendance exécrables que je ne retrouve pas dans la bouche du MTR.
Abdelwahab ressemble comme deux gouttes d'eau à un Maçon Tunisien Retraité car il était maçon et qu'il est Tunisien.
Il apporte tout un paquet de radiographies, doppler, irm et examens biologiques, remis consciencieusement dans le désordre pour expliquer que depuis deux ans il a mal aux jambes. Il explique surtout, toujours dans le désordre qu'il a couché avec une femme et qu'il a eu la chaude pisse. Je lui demande s'il urine sans difficulté puis je lui demande s'il pisse bien. Je lui demande si il a des erect..., s'il bande bien. Pas de problème. En fait c'était il y a 25 ans. Mais depuis qu'on en parle à la télévision, il tremble (en souriant, il montre avec sa main) à chaque fois qu'il y a une émission sur le sida. Il a fait tous les tests, il a vu des tas de médecins mais il a toujours peur. Il est à la retraite depuis 3 ans et il n'est plus retourné en Tunisie voir sa femme et ses trois enfants. Parce que il a couché avec cette femme.
Et si c'est pas cette maladie, pourquoi il a mal aux jambes?
J'ai examiné son organisme, j'ai organisé ses examens et j'ai prononcé des paroles qui se voulaient rassurantes.
Comme on tire sur le seul fil visible dans un sac de noeuds.
Le blog pakistanais
Donydami,
Rien à voir avec ton billet ... mais en surfant, j'ai trouvé un blog pakistanais et j'ai pensé à toi (à moins que tu le connaisse déjà).
J'avais vu un reportage sur le sujet de ton billet.
Voilà comment on devient étranger dans sa propre famille.
La honte de rentrer, la peur de faire face à ce qui est devenu inconu, l'ignorence sur la maladie ...
A force de travailler ainsi les hommes deviennent comme des robots : je travaille pour subvenir aux besoins de ma famille.