Il me revient
En ce jour entrebaillé
Des aubes de désert, des aubes étonnées
Sur les hanches rouges des dunes de Merzouga,
Sur la peau craquelée des lacs desséchés de Tozeur.
Il me revient
Cette ivresse de l’espace sans bornes,
Cet infini se prolongeant lui-même
Dans son propre au-delà,
Ce bonheur au bord de la frayeur,
Cette timidité devant ce vide rempli sans fin.
Immensité de cette beauté
Et derrière,
Immédiatement
Infiniment
Le danger, la perte, l‘égarement.
La mort.
Le pendant immédiat à l’absolue liberté,
La soif, l’errance, la folie.
La mort.
Les bédouins avaient dit :
Les fils du téléphone,
Ne pas quitter les fils du téléphone.
Voilà.
La limite. Si ténue si fragile.
Le fil de l’équilibre,
Le lien avec la vie l’eau les hommes
La sauvegarde, la sécurité.
Un fil qui court en travers du monde
Posé sur ses allumettes à l’horizon, `
Une rampe pour toutes les mains tremblantes,
Pour tous les esprits incertains,
Pour toutes nos vies apeurées.
Un mur entre l’agitation et l’oubli.
On dit un garde-fou.
Toute la tranquillité du monde.
Une frontière dessinée
D’un doigt hésitant
Sur la buée du ciel.
Un filament fragile
Comme un chemin vicinal sur la carte de l’univers.
Un cheveu.
Une bordure virtuelle
Où ne jamais égarer ses pieds,
Ce minuscule pointillé
Qui borde nos cœurs et nos âmes
Avec la même violente éternité qu’une Muraille de Chine.
Au-delà…
Pour dire le noir la peur et la nuit
Pour dire aussi les héros et les fous.
Pour dire aussi les rêves, les légendes des trésors enfouis,
Les pensées insensées.
Ni filtre ni vapeur pour masquer la vérité
C’est le miroir cru, le visage nu
Sans peigne ni rasoir ni mascara
C’est le monde dérobé à chaque pas,
La peur panique qui fait hurler les nuits,
Dans le noir de nos terreurs d’enfants
Rappelées à l’ordre d’un jour nouveau
Blême et nu lui aussi
Nu comme un jour nouveau-né
A la peau pâle et pûre
Riche de tous les possibles
Mais périssable de toutes les absences.
La panique est au seuil de la mort
fut-elle réelle ou symbolique.
Le dernier fil du téléphone a disparu derrière la colline.
Le paysage est à réinventer,
les repères refusés, repoussés, agressés,
sans fils, sans routes, sans bornes.
Les matins, les espoirs,
d’autres éclats et d’autres peurs.
Un pas qui foule une terre vierge
est un pas qui quitte une terre familière,
sauf s’il marche dans ses traces, dans ses clôtures.
Conquérir sans perdre est un désir d’enfant.
Il y a de l’abandon
mais aussi toutes les aubes
dans ce lendemain obscur
qui se cache derrière la mort,
au-delà…
Hormis les fois et les croyances
Le vide de toutes les réponses.
Le désert de sable ou de pierre.
Aussi belles que puissent être les couleurs de l’espoir en ce jour nouveau,
Ce temps au-delà.
Marcher en équilibre au bord du trottoir est un jeu.
S’aventurer les yeux bandés au milieu de la chaussée est un danger.
Lâcher le bord du bassin est une émancipation applaudie.
Nager à grandes brasses vers le large est une folie
Contempler sur le rivage ses orteils léchés par les vagues
Ce fil mouvant à la limite du monde vivant
Se tenir sur le seuil
Au bord du vide.
La vie ne tient qu’à un fil
Son lien au monde à un coup de fil.
Il est grand temps de commencer à vivre.
Amuses-gueules
conciliabules
séquences
Pakistan, 1947. |
Les Fils du TéléphoneCommentaires← Re: D'autres fils, ailleurs, d'autres peurs,...
Merci pour ce lien, ce fil, cette communication
← Re: En filigrane...
MMMMMM, qu'il est beau ce petit coeur en guoguette allant son chemin périlleux !
← Re: En filigrane...
Oui son chemin périlleux comme le dit Marina
← Re: Re: En filigrane...
"Un filament fragile
|
D'autres fils, ailleurs, d'autres peurs,...