La créativité donc;
Comme une réponse au désespoir, j’ai écrit ça quelque part, un jour, à propos de la photographie. Parce que la question est intime, existentielle, taraudante. Comme pour la Foi, ou l’existence de Dieu. C’est vrai, on nous propose de grandes directions de réflections, des théories séduisantes, insatisfaisantes mais séduisantes. Et chacun d'y aller de son couplet.
Si intime, cette réponse, si cachée dans ces obscurités-là, bruissantes, pleines de réponses aux questions qu’on ne s’est pas encore posées, ou qu’on n’osera jamais se poser. C’est ça aussi la créativité, la rencontre osée de soi-même.
Alors on a dit: 1-l’envie / 2- le travail / 3- le don
Le don? tu acquiesces! C’est ça la réponse au désespoir. De ne pas l’avoir, le don, ou de tous mourir un jour. Aucun espoir là-dessus. on parle bien de la même chose. De créer pour laisser, pour survivre, pour léguer. Des traces, des fragments de soi. A soi vieux, à ceux qu’on aime, au monde, à la postérité, au silence orgueilleux, à la vanité du miroir ou de la somme accumulée, ou à la délicieuse désespérance de l’anonymat.
Le don? ceux qui l’ont le savent depuis l’enfance, ne se sont jamais posé la question, ont créé comme ils ont respiré, ont été déjà depuis longtemps remarqués, exploités, rentabilisés... oui là est le don.
Ailleurs, il n’y a que sensibilité et travail.
Les asservissements de nos quotidiens respectifs n’ont rien à dire à cette affaire
Créer n’a à voir ni avec le nombre de consultations, ou de copies à corriger, ni le temps de lessive ou de courses, ni qui gagne l’argent et qui s’occupe des enfants, ni qui fait l’artiste ou qui fait la ménagère. Créer n’a à voir ni avec le rôle familial, ni le statut social.
Créer c’est s’interrompre pour regarder les étoiles, les blés ou les reflets dans l’eau des fontaines. Créer c’est s’absenter d’une conversation, d’une tâche suspendue soudain, d’une parole qui se perd pour s’accueillir soi-même, dans une étincelle jaillie de quelque puit, du fond du fond de l’ombre, de l’origine de soi, de cette écoute soudain pour ce murmure qui dit , qui chuchote, comme un ami perdu, un ami retrouvé, un amour qui dit je serai toujours là. Créer c’est accueillir cet élan secret de soi-même, perceptible par nul autre et même pas toujours par soi-même. Qu’on soit disponible ou débordé, oisif ou surchargé, médecin, enseignant, retraité, mère de famille... Aucun temps n’est réservé, aucune zone du jour ou de la nuit ne porte le panneau: attention ici espace créatif! Cette accessibilité à soi, oui, est un travail, une mise à disposition de ces espaces de soi qui par bonheur sont les seules valeurs qui ne nous sont pas comptées, comme les valeurs de l’humain, qui ne s’épuisent que par désintérêt, pour peu qu’on sache se les offrir, se les dépenser. C’est un travail, comme un courage ou une folie, de laisser émerger ses joies et ses peurs, ses démons et ses fées.
Créer à l'idéal n'aurait besoin ni d'image, ni de mot, ni de peinture, mais que d'une vacuité toujours libre.
Créer c’est une nécessité, une urgence,
un instant de vie ou de mort.
un appel àu-delà de l’organique même,
puisque la faim s’éloigne et le sommeil s’absente,
c’est un temps pour parler de ses silences,
c’est un temps hors de l’horloge,
un flux parallèle qui ignore le quotidien et le matériel,
c’est un appel, un déssèchement et une abondance en même temps,
c’est le meilleur du féminin de chacun,
qui s’ouvre et qui boit du monde tous les germes de vie,
qui tremble et frémit et ne s’apaise qu’une fois accomplie la rencontre,
dans l’épuisement et la langueur.
Créer est un rempart, un acte d’amour,
un don, un abandon.
Sans espoir de retour.
Voilà. Une continuité pour une conversation interrompue, sans véritable espace pour un temps authentique. Peut-être l’est-il un peu plus.
Mais te voilà prise à la loi du blog, cette loi d’hospitalité et de politesse qui va t’obliger à répondre, à choisir tes mots, à décider de leur usage, à les agencer, à les aimer avant de les abandonner.
N’y vois nulle contrainte qu’un exercice et peut-être un plaisir.
La loi du blog autorise aussi l’accès, bien entendu, de qui le souhaitera. Bienvenue donc.
Amuses-gueules
conciliabules
séquences
Pakistan, 1947. |
A LineCommentaires |
D’abord première impression : angoisse, terreur, je suis au pied du mur, il faut répondre, trouver les mots pour dire, les mettre en forme pour se faire comprendre.
Les tiens sont si agréables à lire. Ah ! … la petite musique de tes mots
Voila, première explication à ma paralysie, à ma trouille de mettre en forme des mots (c’est pareil pour un tableau, pour une pensée..) , être àla hauteur. Être à la
hauteur de qui ? De quoi ? De ceux que l’on admire, qui nous
fascinent, parce qu’ils ont un don (cultivé ou naturel, on s’en fout) .
D’emblée, je ne crois pas que je serai à la hauteur, je suis même sure que non.
Et pourtant si je suis honnête avec moi-même il existe quand même une petite voix lointaine, presque imperceptible qui me pousse.
Pour moi la créativité va se loger dans ce petit interstice entre la croyance de mon incapacité et un petit espoir de trouver ce que j’ai à dire.
La créativité, ce moment avec soi, si capricieux, si imprévisible
La créativité est en chacun de nous, quelquent soient nos occupations et préoccupations.
Elle est capacité à puiser dans notre musée personnel, des fragments de perceptions et des expériences antérieures, c’est un espace d’accès à soi.
C’est aussi une attitude d’échappement de soi, où l’on est hors de soi, débarrassé de notre superficialité, de nos retenues et de nos tabous.
Mais, elle n’est pas seulement ce moment d’échappement, sinon ce n’est que de la contemplation, de la rêverie.
Car la créativité s’accompagne de concret et de neuf.
C’est cette étape qui est la plus difficile, passer de l’introspection à « l’extraspection » .