Il y a quelque chose qui me turlupine. C’est ce que disait
Bill pendant que Monica se concentrait et c’est ce que je me dis quand je pense
à la naissance du Pakistan.
Les racines de ma curiosité plongent dans le tas fumant de
mes connaissances approximatives, de mon ignorance et de mes préjugés. Je
voudrais balayer ce fumier et le remplacer par une vision claire, lumineuse et
fidèle (je plaisante) de l’histoire.
Auparavant, il me faut, dans une attitude où se mêlent
honnêteté et défi, plonger les mains dans la fange et étaler ce qui s’y trouve. On verra ainsi ce qui m’incite à porter mon regard sur des régions aussi
reculées dans l’espace et le temps, et plus tard, on pourra observer le chemin
parcouru.
Ce que je sais vaguement :
En 1947, les anglais se retirent du sous continent indien et
acceptent la création d’un état musulman indépendant de l’Inde : le Pakistan.
Les hindous quittent le Pakistan pour se réfugier en Inde et croisent les
musulmans qui suivent le mouvement inverse. Le conflit fait 8 millions de
déplacés et un million de morts.
Israël est le seul autre état créé pour réunir une
population sur une base confessionnelle. Lui aussi après le départ des Anglais, lui aussi juste après guerre.
Après avoir voté la partition de l’Inde et la partition de
la Palestine, l’ONU votait fin 1948
Ce que je ne connais pas :
L’histoire de l’islam indien et ses relations avec l’islam
arabe et perse
L’attitude des indiens et les relations avec le mouvement de
désobéissance civile.
L’histoire du mouvement indépendantiste pakistanais.
Ce que buvait Lord Mountbatten quand il a accepté le tracé
des frontières. Pas sur que ce soit du thé.
Les conditions du vote à l’ONU et l’attitude des autres
nations. Et tout le reste.
Mes préjugés :
Un jour peut-être, le concept d’état-nation paraîtra daté
fin du deuxième millénaire dans l’histoire des idées politiques comme le
fauteuil voltaire est daté XIXéme siècle dans l’histoire du mobilier
d’intérieur. Ce concept d’état-nation est au cœur du processus de
décolonisation et du fonctionnement de l’ONU. Mais pourquoi et comment a-t-on rajouté une couche religieuse pendant ce
court instant de l’histoire ? Je préjuge que le sort des juifs d’Europe,
et le conflit en Irlande du nord, accréditaient, aux yeux d’un anglais de
l’époque, l’idée qu’il n’est pas possible de faire vivre ensemble des
populations de religions différentes. Je pourrais aussi préjuger que les
anglais sont partis dans la précipitation, l’incompétence et le n’importe quoi,
ou qu’ils ont intelligemment posé les bases indispensables à la poursuite des
affrontements, on ne sait jamais, ça peut servir.
Comme Tony Blair ne s’y colle pas, je me demande à sa place,
en regardant la géographie des conflits des soixante dernières années, si ses
ancêtres, manipulés et manipulateurs, n’ont pas fait une immense connerie.
J’aurais pu faire ça pour moi tout seul et dans mon coin,
mais c’eut été méconnaître le pouvoir d’une de mes fâcheuses compagne qui me
rend quelquefois velléitaire : la paresse.
En m’engageant ici à retrouver les échographies de
grossesses et le film de la naissance du Pakistan, je me sens une
responsabilité infinie pour les huit personnes qui fréquentent les "colloques
singuliers" et qui se fichent éperdument de la partition de l’Inde.
Je suis comme ça; un homme d’engagements inutiles.
Je vous encourage, je suis comme ça: une femme d'encouragements inutiles.
(le fait d'être intrigué ne justifie t-il pas le questionnement ?)