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 Morcellement d'un sujet

 

Moa : Regarde la mine que tu as. Tu es blessé? mutilé? humilié? endeuillé? Tu veux rejoindre le troupeau des indignés, des outragés, des révoltés, qui bêlent en coeur en faisant des calculs de proportionalités avec la vie et la mort des hommes comme toi tu faisais en sixième avec le prix des cerises et des abricots?
Exercice n°6 : Poser la vie de deux soldats israéliens au numérateur, la mort de 400 civils libanais au dénominateur, faire le produit en croix des combattants du Hezbollah, en déduire le PPCD et le nombre de victimes à Nahariya.

I : Je ne veux aller nulle part. Je suis cloué par le dégoût et la tristesse. Je reste assis et je pleure sur les fils et les filles du Liban. Ils avançaient enfin avec confiance sur leur champs devenu fertile. Mais d’autre en ont fait un champs de bataille, ils ont posé des mines et d’autres encore ont lâché des bombes et leur sang fait des éclaboussures sur les écrans plats des téléviseurs. La nausée ne me quitte pas.

Ich : Je vois bien que tu pleures, mais comme tout le monde tu as la nausée sélective. Tu serais bien hypocrite si tu prétendais que toutes les souffrances des hommes te font souffrir de la même façon. Pour voir, je pourrais te relire la liste des civils innocents qui n’ont pas lu leur faire-part de décès dans la presse. La plupart sont publiés quelque part, pourtant, il suffit d’être vigilant, mais les morts ne lisent pas et ne sauront jamais ce que nous faisons de leur disparition.

Je : Ne me parle pas encore de proportionnalité. La douleur du blessé ne donne pas la mesure de sa blessure, et ta souffrance quand tu le regardes n’est pas à la mesure de sa douleur. Qui va dire le contraire. Ce serait obscène de me demander pour quelle victime j’ai le plus d’empathie.


Ani : Ne me la fais pas à moi. Tu veux cacher ce qui t’attriste : cette nouvelle tâche sur le drapeau d’Israël. Après toutes ces années, tu voulais encore croire que le peuple juif peut exister sans emmerder le monde. Si tu veux prendre le deuil, porte celui de tes illusions. Déchire ta chemise, retourne les miroirs et assieds toi dans la cendre, mais fait l’effort de savoir précisément sur quoi tu pleures, car à chaque fois que tu te trompes, tu accouches d’un fantôme.


Me : Je n’ai plus d’illusions. Elles sont mortes en 1982. On enterrait mon grand père et on entrait au Liban. Je veux rester à l’écart, résister à mes atavismes et fuir tout conflit qui m’obligerait à me battre pour autre chose que mon humanité. Regarde les, tous ceux-là, qui croient défendre une juste cause et qui ne savent offrir au ciel que le phallus priapique d’un fusil mitrailleur. Je ne veux rien ajouter dans le compte commun de la détresse.


Ego : Tu simules le détachement et la sagesse mais personne ne te croit et tu ne pourrais même pas te convaincre toi même. Ne fais pas semblant. Le mot juif (ou jude ou jewish) te saute à la gueule sans permission et focalise ton attention même si ton regard est perdu au milieu d’une édition de la pléiade dont tu tournes les pages distraitement sans aucune intention de lire. Si tu entends parler d’Israël, tes entrailles réagissent bien avant que ne pointe le plus petit début de réflexion. Tu ne pourras jamais t’en libérer, tu n’as pas ce choix. Le peuple juif est ton fardeau et tu en es. Tout ce qui est fait en son nom, c’est un peu toi qui le fait. Alors ouvre ta grande gueule, prend ta part et dis que tu n’arrêteras pas de gueuler tant qu’Israël n’aura pas cessé d’ajouter aux souffrances du peuple palestinien.


Io : Ta mauvaise conscience est pitoyable et te fait ressembler à un rêveur suicidaire. Cette guerre du Liban n’a pas grand chose à voir avec le problème israélo-palestinien. Ce qui est en jeu, c’est l’existence de l’Etat d’Israël. Si tu y tiens, ne rejoins pas la cacophonie des avis, des analyses, des opinions et des jugements. Va faire un tour sur la blogosphère, et vois ce flot de haine appelant à l’effacement des « nasionistes et des terrosioniste ». Entends ceux qui pensent qu’Israël est une parenthèse de l’histoire, et que la réconciliation entre l’occident et l’orient, vaut bien un sacrifice. Imagine le Proche-Orient sans Israël, pense à la façon dont les gouvernements arabes ont toujours instrumentalisé la cause palestinienne et tu comprendras que ce serait probablement une catastrophe pour les palestiniens aussi.


Muy : Tu me gonfles avec tes prophéties à la con. Tu t’affligeais de voir qu’on importait ce conflit dans les banlieues françaises et voilà que maintenant tu l’internalises. Les Palestiniens et les Israéliens sont comme des pions qui auraient suffisamment d’autonomie pour s’entretuer mais pas suffisamment pour s’arracher aux mains des joueurs qui les manipulent. Toi, tu ne connais rien à rien, tu ne peux rien changer à quoi que ce soit, tu es ignorant et impuissant, alors au moins ne fais pas l’imbécile présomptueux. Continue, épluche les dépêches et les éditoriaux, explore le net pour voir comment la guerre résonne, confronte les informations le matin, les histoires à midi, les arguments le soir et les cauchemars la nuit. Et pleure, ça fait passer la nausée.

Sono : Toi, tu es le pire d’entre-nous. Moi, je sais, je rêve.

Nous : J’ai froid.

Commentaires

...

J'ai pas de mots pour commenter une telle note, j'ai vraiment pas de mots.

 

 

Re: ...

Pas de mot, plus d'apostrophe et plus de z?
Tu es venue, tu as lu, ça me suffit. Bienvenue Yael.

 

 

Extraordinairement bien vu.

 

 

Re:

Bienvenue aussi Ab6. Merci.

 

 

Sérieusellement

Bel éparpillement singulier, donydami.
Ce sujet conjoncturel nous met tous dans de beaux draps, plus emmêlés que les boucles d'un saddhu.
Ce sujet bien sûr, n'est pas que de circonstance: il nous rappelle à nous-mêmes sans cesse. Cette confrontation interne explose au contact des expressions forcément simplifiées-jusqu'au simplisme- des autres que nos nous-mêmes.
Je parle des autres toi eux nous vous.
Je lisais récemment sur un blog libanais dont le taulier manifeste un souci de carrefour pour une information disponible pratique de très bonne qualité, les commentaires pleins de jugements qui finissent par n'être qu'apostrophes et caricatures, dans lequel les terreurs s'effondrent sous les vomissements de haine.
A ce stade il n'y a plus d'intelligence.
Plus de I, Ich, Je, mais des grondements ou plaintes animales.
L'intelligence s'exprime dans les Etats-Majors, paraît-il; dans les Conseils de Sécurité; dans un bureau ovale (celui d'un des deux commanditaires); à l'ombre de la mosquée de Qom au minaret bulbeux scintillant (l'autre commanditaire).
Qu'il doit être ardu, pour un extra-terrestre, d'évaluer l'intelligence  qui préside aux stratégies et tactiques de tout ce petit monde: Excellente? Très bien? Bien?Moyenne? Médiocre? Pathétique? Nulle? Sans opinion?
Ah lala, je n'aimerais pas être un représentant de 213HDQ414, coincé dans ma soucoupe d'ethnologue, scribouillant ma thèse "l'humain n'est pas qu'un"!

 

 

Re: Sérieusellement

Tu dois parler de WIL. Je le lis aussi depuis le debut du conflit et j'ai eu le même sentiment que toi. J'en profite pour te dire que j'admire ton engagement généreux et rigoureux. La surexposition nuit à la clarté et si on n'entend plus rien c'est qu'il y a trop de bruit. Dans cette cacophonie, je trouve que ta voix se distingue clairement et j'écoute attentivement ce qu'elle raconte.

 

 

Nous avons froid

Mon nom m'appartient ... et m'appartenait
Ce qui m'appartenait, mon passé, et ce qui m'appartiendra,
mon lendemain lointain et le retour de la paix.
Prenons cette ruelle qui mène au port
Car le quai m'appartient, et ce qu'il porte...
De mes pas et de mon sperme m'appartiennent.
Mais moi, plein de toutes les raisons du départ...
Je ne m'appartiens pas... je suis toi.
Deux mètres de tourbe me suffisent désormais
Un mètre soixante-huit pour moi
Et le reste pour des fleurs aux couleurs désordonnés.
Prenons cette ruelle comme si de rien n'était
Rien qu'une blessure légère au bras du présent absurde ...
Et l'histoire se rit de ses victimes
Et de ses héros
Elle leur jette un regard et passe.

Tu m'as réchauffé un peu l'ami

 

 

Re: Nous avons froid

L'ami...! C'est toi qui réchauffes.